Des racines antiques…
L’histoire du champagne remonte à l’antiquité. Grands consommateurs de vins, les romains étaient déjà des vignerons émérites. Suite à la conquête de la Gaule, ils sont nombreux à s’installer sur le territoire de l’actuelle Champagne. Rapidement, ils s’adonnent à la culture de la vigne. Ils savent repérer les versants les mieux exposés et les terrains les mieux drainés. Ils sélectionnent aussi les cépages les plus adaptés à nos latitudes septentrionales.
Une tradition monastique…
Au Moyen Âge, les vignes étaient la propriété de l’Eglise. Les terrains se partageaient entre ecclésiastes importants, comme l’archevêque de Reims, et grandes abbayes, comme celles de Saint-Pierre d’Hautvillers, de Saint-Thierry, de Saint-Remi de Reims et de Saint-Nicaise. Sous l’impulsion des moines, la méthode champenoise commence à prendre forme. Le vin de Champagne se démarque déjà par sa légère effervescence. Il est aussi reconnaissable par sa robe blanche ou rouge très claire, et par son goût vif et sec, propre au climat tempéré et aux sols crayeux de la Champagne.
Dom Pérignon, inventeur de la méthode champenoise…
A l’époque féodale, les vignerons payaient l’impôt sous forme de raisins qu’ils fournissaient aux moines. Ces derniers se chargeaient ensuite de mélanger les jus selon les cépages et en fonction des différentes parcelles. Mais il faudra attendre la fin du XVIIe siècle pour que l’assemblage soit précisément codifié par Dom Pérignon. Moine cellérier de l’abbaye d’Hautvillers, presque aveugle, il était doté d’un palais exceptionnel qui lui permettait de déterminer la provenance exacte des raisins, à la parcelle près. Ses travaux sur l’assemblage des vins font de lui le père de la méthode champenoise.
Vins de Montagne et vins de Rivière…
Historiquement, les champagnes se distinguaient entre vins dits de « Montagne », produits sur la Montagne de Reims, et vins de « Rivière », produits le long de la rivière Marne. Les vins de « Montagne » étaient rouges, assemblés autour du cépage « gouais ». Les vins de « Rivière » étaient blancs, assemblés autour du « fromenteau » (appellation champenoise pour le pinot gris). Les vins blancs de « Rivière » étaient déjà appréciés et réputés pour leur effervescence et leur caractère vif et sec.
Vins d’Aÿ et pinot noir…
A partir du XIVe siècle, les goûts évoluent en faveur de vins blancs plus colorés ou même rouges clairs, dits clairets. Le cru du village d’Aÿ, qui jouxte la rivière Marne, se distingue entre tous, au point où le qualificatif de vin de Rivière est remplacé à l’époque par celui de vin d’Aÿ. Henri IV lui-même en était grand amateur.
La recette d’Aÿ rencontre un tel succès qu’elle est adoptée par toute la Champagne vers le milieu du XVIe siècle. Pour perfectionner leurs assemblages, les vignerons de la Rivière introduisent un cépage de meilleure qualité : le pinot noir. Il était vendangé tôt au matin, dès l’aube, puis pressuré avec soin pour obtenir un vin limpide à longue durée de maturation.
Chaptal, maître de l’effervescence…
Aux alentours de 1675, un vin mousseux à l’acidité fort prononcée, appelé « tocane » d’Aÿ, jouissait d’une grande popularité. Mais c’est seulement à la fin du XVIIIe siècle que la prise de mousse est parfaitement maitrisée par le chimiste Jean-Antoine Chaptal, grâce à sa méthode de vinification par ajout de sucre.
Auparavant, les vins de champagne étaient généralement stockés dans des tonneaux, qui supportaient difficilement la pression produite par les vins pétillants. Ils fermentent dorénavant dans des bouteilles aux bouchons solidement maintenus par un muselet, à même de supporter les efforts considérables produits par la chaptalisation.
Vin des rois…
Vers la fin du XVIIe siècle, le champagne fait son apparition à la table des souverains européens. Il est ainsi surnommé « vin des rois ». Au XIXe siècle, les Maisons de Champagne partent à la conquête du globe pour faire connaitre leurs créations dans des contrées très éloignées, comme en Russie, ou aux Etats-Unis. A l’aube du XXe siècle, la notoriété du champagne est mondiale. Symbole d’excellence, il est présent à toutes les grandes occasions.
Fléau du phylloxéra et reconnaissance juridique…
Au tournant du XXe siècle, les quelques 60 000 hectares de vignes champenoises sont dévastées par un puceron parasite de la vigne, le phylloxéra. A l’issu de la première guerre mondiale, on ne compte plus que 12 000 hectares de vignes. En réponse à cette catastrophe, l’Association Viticole Champenoise est créée en 1898, d’abord pour trouver des traitements contre l’insecte parasite, puis pour aider à la reconstruction des vignes. Les différents cépages sont dorénavant greffés sur des racines américaines, et les vignes, auparavant en foule désordonnées, sont maintenant palissées en rangs soignés. Le nombre de pieds par hectare est nettement moindre. Des nouvelles méthodes de taille et de rognage sont également adoptées.
En 1927, le territoire de la Champagne viticole est délimité légalement. Centré sur la Marne, il s’étend aussi en Seine-et-Marne et Haute-Marne, dans l’Aube et dans l’Aisne. Il faudra attendre 1936 pour que le Champagne bénéficie de l’Appellation d’Origine Contrôlée. A partir des années 70, quelques villages ont été ajoutés à l’appellation, après l’examen scrupuleux d’experts.
Aujourd’hui…
Dom Pérignon a donné son nom à une cuvée luxueuse et la commune d’Aÿ est toujours réputée pour ses grands crus basés sur le pinot noir. Le rustique gouais et le fromenteau ont laissé place au pinot noir, au pinot meunier, et au chardonnay.
En 2021, la surface champenoise s’étend sur 34 000 hectares. Après les années noires Covid, les ventes repartent à la hausse avec 322 millions de cols écoulés, pour un chiffre d’affaire de 5,7 milliards d’Euros. Le plus gros marché du Champagne reste la France (142 millions de bouteilles), bien que la majorité des bouteilles soient vendues à l’étranger. Les plus gros acheteurs hors hexagone sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et l’Allemagne.
Le marché du Champagne est dominé par de grandes Maisons qui achètent le raisin à des vignerons pour confectionner leurs propres cuvées. Cependant, ces grandes Maisons ne sont pas les seuls acteurs du marché, car il existe différentes catégories de vignerons en Champagne :
- Les vignerons vendeurs au kilo. Ils remettent leurs raisins aux Grandes Maisons de Champagne ou à des coopératives.
- Les vignerons récoltant coopérateurs. Ils fournissent leurs raisins à une coopérative, et récupèrent une part des bouteilles produites, sur lesquelles ils apposent leur étiquette. Leurs Champagnes sont issus du mélange des jus de différents producteurs.
- Les vignerons récoltants manipulant. Eux aussi fournissent leurs raisins à une coopérative. Mais ils se réservent une portion de la pressée, sur laquelle ils effectuent eux-mêmes le processus de transformation et de mise en bouteille. Toutefois, il s’agit encore d’un mélange de jus.
- Les vignerons indépendants. A l’instar de Michel Gawron, ils produisent leur champagne eux-mêmes, de l’entretien des vignes à la mise en bouteille, sans passer par les grandes Maisons, ni par une coopérative. Aujourd’hui 400 regroupés sous le label de Vignerons indépendants de Champagne, ils représentent une minorité des de 16 200 vignerons champenois. Leurs Champagnes sont réalisés exclusivement à partir de leurs propres raisins et de leurs savoir-faire propres. Il en résulte un produit au caractère et à la personnalité unique.